Britney Spears, survivre à un féminicide
BOUQUINS - Les mémoires de Britney Spears ne décrivent pas une tutelle abusive. Mais une tentative de féminicide par suicide forcé.
Ma très chère soeur,
Je suis bouleversée par le livre dont je vais te parler aujourd’hui. Les mémoires de Britney Spears, sorti en 2023. Je l’ai lu en français, La Femme en moi.
Je savais avant de le lire que Britney Spears avait vécu l’enfer. Je ne savais pas à quel point. Britney Spears n’a pas “juste” vécu une tutelle abusive. Elle a survécu à une tentative de féminicide par suicide forcé. Un acharnement méthodique et organisé de la part de son père pour la pousser à la mort. Elle ne peut pas le dire pour des raisons légales ou peut-être ne le veut-elle pas, mais son histoire, c’est celle d’un féminicide. Le suicide forcé est hélas une forme de violence machiste répandue. En 2022, en France, 759 personnes selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, ont vécu le même calvaire que Britney Spears, être poussée au suicide par leurs proches. L’écrasante majorité d’entre elles sont des femmes. Le récit de Britney Spears est presque une check-list de tous les “classiques” des violences masculines : inversion de la culpabilité, décrédibilisation, isolement, accusation d’hystérie, instrumentalisation de ses enfants et de l’amour qu’elle a pour eux, etc.
Au-delà de l’ampleur des violences qu’elle a subi, Britney Spears délivre de tout petits détails qui permettent de mieux se représenter son quotidien. Moi, c’est con, mais un détail qui m’a marquée, c’est qu’elle raconte que pendant ses années de coercition, son père, qui “l’accusait” toujours de grossir, l’avait contrainte à se nourrir exclusivement de légumes en boîtes de conserve et de blancs de poulet. Elle suppliait de pouvoir manger autre chose, un burger, ou au moins des légumes frais, cuisinés, mais non, légumes en boîte de conserve. A tous les repas. Comme une prisonnière. D’ailleurs, c’était une prisonnière.
Enfin, cette histoire m’a aussi frappée car cette machinerie atroce s’est déroulée sous nos yeux à tous. Pendant treize ans il a été communément admis qu’elle était trop “folle” pour gérer sa santé, son corps ou ses finances mais pas pour enchaîner les shows, tournées et spectacles à Vegas. Quand on entend les histoires d’abus de Polanski, les témoignages de Judith Godrèche ou de Vanessa Springora, on peut espérer que les choses ont changé, que l’époque est différente. Et bien non. Il n’y a aucune différence dans la complaisance de la société d’hier qui a laissé Judith Godrèche ou Vanessa Springora aux mains des prédateurs sexuels que dans celle d’aujourd’hui qui a laissé Britney Spears aux mains de son père tortionnaire.
Plongeons dans les détails.