Ce que le terrible two m'apprend 1/2
Comment gérer ma propre colère et repasser par toutes les étapes de la civilisation - RIEN QUE CA !
Salut ma chérie,
Je t’écris cette lettre après avoir déposé les enfants (il faut que je m’habitue à dire enfant, ce ne sont plus tout à fait des bébés) à la crèche. Ce matin, Merveille voulait mettre ses sandales jaunes, mais elles sont trop devenues petites. T’imagines sa rage, elle voulait mettre ses sublimes sandales, mais elles lui faisaient mal. J’ai bien essayé de l’aider en mettant des pansements sur les endroits de frottement, ce qui l’a copieusement exaspérée, puis elle a fini comme il se doit dans une rage folle à me jeter les sandales à la tronche. Je crois qu’elle ne se rend pas encore compte que je n’ai pas le pouvoir de soulager tous ses tracas, et qu’elle pensait que je faisais exprès de la laisser patauger dans ce cornélien dilemme : porter les superbes sandales et avoir mal, porter de vulgaires crocs et être confortable. Ma pauvre princesse ! Je la comprends tellement, en vrai.
Je le raconte avec humour mais j’ai beaucoup de mal à gérer la colère de mes enfants. Ca peut me plonger dans des tourbillons noirs d’anxiété. Et alors on rentre dans un vortex où ils crient, s’exaspèrent, je dissocie ou je m’agace, je hausse la voix moi aussi, je culpabilise immédiatement, et je m’excuse, on se fait un gros câlin, ils sont trop sages pendant 5 minutes (leur façon de dire “je suis désolé aussi maman” je crois) et 10 minutes plus tard, re-crise, re-escalade, re-pardon, re-câlin, re-sages, et c’est reparti pour le manège infernal. Quand ça arrive 40 fois en une heure, avant 7 heures du matin, c’est très éprouvant, pour le dire poliment.
Mais le grand avantage de côtoyer des enfants, si on est ok pour se remettre en question, c’est qu’on a une deuxième chance aussi pour apprendre soi-même aussi la vie. J’essaie de comprendre pourquoi la colère est une émotion qui me trigger autant, et je prends claque sur claque. Bordel pour perdre le melon y’a pas mieux comme expérience que devenir mère. Voilà ce que j’ai compris au fil de mes réflexions, séance de thérapie et lectures :
-Le terrible 2 est une période de développement normal, en gros où l’enfant a de plus en plus envie de faire plein de choses par lui-même mais n’y parvient pas toujours, et cela l’insécurise et l’exaspère. Il a la fois conscience de ses capacités, est animé par un désir irrépressible de découvrir, jouer, explorer, mais rattrapé au collet parses limites, et c’est stressant pour lui. L’image qui me vient pour essayer de comprendre ce qu’ils vivent, c’est comme si j’étais dans un pays étranger où il y aurait plein de sublimes cafés, boutiques, expo, que j’aurais trop envie de tout découvrir, mais que je captais pas tout à la langue parlée, ou juste quelques mots, tout en arrivant pas à monter une marche beaucoup trop haute alors que plein de gens passeraient vite et stressés à côté de moi. L’enfer ! Mais c’est super important de les laisser faire des choses solo ou essayer même si l’enfant s’énerve, car dès que la jeune personne réussit à faire quelque chose par elle-même elle en tire une immense fierté et cela l’aide à construire sa confiance en ses capacités. J’ai aussi lu qu’un jeune enfant qui dit non toute la journée ne le fait pas forcément par opposition, mais parce qu’il nous imite. Combien de fois leur disons-nous non dans la même journée ? Je sais qu’on leur dit souvent non pour les protéger, comme par exemple en disant “non, va pas sur la route”, mais ça m’aide de comprendre ce qui se passe dans leur beau cerveau.
-Aussi, en ce qui me concerne personnellement, je comprends que n’ai jamais appris à appréhender la colère. Pour moi, dans ma psyché primitive on va dire, s’énerver c’est forcément toxique, abusif, violent. Il n’y a pas de différence entre une manifestation d’impatience, d’exaspération, et, disons de la violence verbale. Je sens bien pourtant que ce n’est pas la même chose, mais je ne sais pas où commence l’une, ou s’arrête l’autre. Je ne sais pas situer la ligne de fracture entre la contrariété, le conflit, le dérapage et la violence. A mon grand détriment, car cela m’a fait accepter des situations de violence en me disant que c’était “une bonne dispute”, et cela m’a fait aussi taire des vérités banales en me disant qu'elles étaient violentes.