Mes 14 objets préférés
Le mois de décembre est le mois des objets. Ceux qu’on achète pour les autres, ceux qu’on aimerait recevoir en cadeaux, ceux qu’on reçoit à la place.
Ma chère soeur,
Je ne sais pas toi, mais moi, j'entretiens un rapport ambivalent aux objets. D’un côté je les aime beaucoup. Pas forcément les choses chères ou clinquantes, loin de là. C’est juste pour moi un plaisir d’être bien équipée, d’avoir des chaussures pour le froid et un couteau qui coupe. De l’autre, j’ai bien conscience qu’on possède tous bien trop de choses, qu’il faudrait ne plus acheter, ou seulement en seconde main. Mais on ne peut pas vivre sans les objets. Enleve sa tétine à un bébé ou sa cigarette électronique à un adulte, et tu verras ce qui se passe. Le problème n’est pas que nous aimions les objets, nous en avons besoin. C’est trop facile de toujours nous accuser, de nous culpabiliser, ras le bol ! Le problème est ce monde fou qui repose sur une frénésie d’achat, les marchés dé-régulés et les firmes qui exploitent des esclaves pour les fabriquer (je ne trouve pas d’autres mots pour désigner les “employés” des géants de l’habillement notamment qui travaillent 20 heures sur 24 pour quelques centimes).
Les objets les plus anciens appartenant à des hominidés (les hominidés sont des humains mais pas des homo sapiens comme nous) que nous ayons découverts remontent à plus de 3 millions d’années. Nos lointains ancêtres taillaient des cailloux pour les utiliser comme couteaux. Pour dépecer de la viande, mais pas seulement, aussi pour découper et broyer des végétaux. C’est pour les scientifiques notre capacité à concevoir et utiliser des outils, donc des objets, qui nous distingue de nos cousins les grands singes et fonde le genre Homo. Les grands singes peuvent casser des noix avec une enclume par exemple, mais ils ne vont pas le faire spontanément comme les humains. La frontières entre l’humain et l’animal est loin d’être franche, et les corneilles parisiennes ont aussi développé une capacité à se servir d’outils.
Il n’empêche. L’objet est une preuve d’intelligence. C’est pour cela qu’il est si agréable d’utiliser un objet excellemment conçu par des ingénieurs doués, on capte toute la finesse qui a été déployée pour le concevoir. Et ce pourquoi aujourd’hui ça fait si mal au cœur d’utiliser tant de plastique, comme si on tenait entre ses mains la matérialisation du mépris pour le vivant.
Les objets, c’est aussi ce qui reste quand une personne disparaît. Après chaque deuil d’un proche, c’est le même rituel, que faire de ses effets personnels. On en récupère, on en donne, on les emporte avec nous dans notre vie. Trier les objets d’une personne c’est repasser par toute sa vie. C’est pour ça aussi que c’est bouleversant de déménager, c’est comme faire l’inventaire du musée de sa propre vie. L’artiste belge Barbara Iweins a réalisé l’oeuvre boulversante de prendre en photo tous les objets qu’elle possède: elle en a 12.795. (Un foyer américain en compte en moyenne 30.000. ) Elle les a ensuite classé par couleur, par nombre d’utilisation, matériaux, et a classifié ceux qu’elle sauverait d’un feu. Elle en a tiré une exposition et un livre incroyable et s’interroge sur son rapport aux objets. Au fil de la lecture du livre, on découvre toute sa vie à travers ses choses, et aussi ce contre quoi elle essaie de lutter, ou du moins de se débattre. Ce bouquin est une super idée cadeau, soit dit en passant.
Voici mes objets préférés, donc. Peut-être que dans ma liste, tu trouveras une inspiration pour offrir une preuve d’intelligence humaine à quelqu’un que tu aimes. J’ai exclu ceux avec une valeur purement sentimentale, parce que je me suis dit qu’ils ne pouvaient pas servir d’inspiration de cadeau de Noël. J’ai aussi exclu les livres, car ils ont une place trop importante dans ma vie et méritent leur propre classement. Je te préviens, je n’ai pas que des beaux objets, et je ne peux pas acheter que du éthique et équitable. Mais je compte sur ta bienveillance et ta compréhension.
(Je ne touche aucune commission et aucun lien n’est affilié)