Vouloir maigrir est-il grossophobe ?
ESSAI - Après avoir lu des centaines de bouquins et écouté autant de podcasts, je peine à me défaire de la tyrannie de la minceur. Pourquoi ? Parce que le suprémacisme blanc.
Ma chère soeur,
Je suis très heureuse de te compter parmi mes abonnées. Nous sommes quelques centaines, et c’est un honneur pour moi de m’adresser à toi.
Cet essai n’a pas été facile à écrire. Il m’a ouvert les yeux sur les origines atroces de nos critères de beauté, sur l’idéologie qu’on valide même malgré soi quand on trouve “juste” certains corps plus beau que d’autres. J’aborde dans ce texte des questions raciale et coloniales avec le plus de précautions possibles, mais je ne suis pas à l’abri d’une erreur. Je compte sur toi pour me le dire si c’est le cas.
“Vous êtes très jolie quand même.”
C’est une vendeuse qui m’a dit ça dans une boutique de bourge du marais, alors que je soupirais en regardant ma silhouette. En ce moment, je galère niveau image corporelle. J’ai repris pas mal du poids de ma grossesse parce que j’ai trop besoin de gourmandises pour tenir mon rythme de vie. Et j’adore partager un goûter avec mes bébés. Mais ça me saoule. J’ai beau avoir lu des dizaines de bouquins, écouté des heures de podcast, ça me saoule. C’est pas que je me trouve moche. Je sais que la beauté et le poids n’ont rien à voir, je le sais car je le vois tous les jours, je vois des personnes belles et grosses et des personnes minces et moches. Je suis désolée, mais je ne pense pas que tout le monde soit beau. Je pense en revanche que l’apparence devrait être la chose la moins importante à propos d’une personne.
J’ai souri à la vendeuse parce que je crois sincèrement qu’elle voulait être sympa. Mais le quand même m’a écorché. C’est un truc que j’entends souvent, dès que je suis dans mes fourchettes hautes de poids. Ou ses variantes “tu n’es pas dans les canons de beauté, mais…” ; “on peut pas dire que tu es mince, mais on peut dire que tu es… ” ; “t’es pas une bombe mais je te trouve super charmante”, etc. Parfois je me rends compte que j’ai pris du poids quand reviennent ces compliments qui n’en sont pas tout à fait. Je fais tout le temps du yoyo, je garde presque jamais un poids stable. J’ai fini par acheter mes basiques en plusieurs tailles. Le fait de changer de poids constamment m’insécurise, c’est comme si j’habitais dans une maison dont les murs changent tout le temps de place.